La mobilisation générale du 2 août 1914 a de lourdes conséquences sur l'économie française provoquant une prise de conscience du gouvernement français à appeler les femmes à participer à l'effort de guerre, comme le fera René Viviani dans son discours du 7 août 1914.
3 700 000 hommes ont été mobilisés, les femmes doivent donc les remplacer mais les industriels mettent du temps à les accepter en tant qu'ouvrières. Les commandes de l'état s'accumulant, les industriels se voient obligés de faire appel aux femmes pour répondre à cette demande et cette période coïncide avec la nécessité des françaises à travailler pour survivre. Les allocations offertes par le gouvernement sont insuffisantes ; les femmes des hommes mobilisés reçoivent 1,50 francs par jour et 50 centimes par enfant, alors que le prix du kilo de viande est de 1,50 francs. Ces françaises, devenues employées, doivent s'adapter à ce nouvel environnement qu'est l'usine et effectuer des tâches jusque là réservées aux hommes. Cette adaptation passe notamment par des changements vestimentaires, ainsi les corsets et les talons sont progressivement mis de coté donnant aux femmes une apparence plus masculine.
En 1918, 430000 femmes travaillent dans les usines d'armement notamment dans la fabrication d'obus et de munitions, ce qui leur vaut le surnom de munitionnettes. Pour la fabrication des obus, plusieurs étapes sont nécessaires telles que l’emboutissage, le dégrossissage, l'ogivage, la trempe, le finissage, le contrôle et enfin le ceinturage. Le travail des femmes est difficile car elles doivent porter plusieurs centaines voire des milliers de kilos par jour. Pour les soulager, Albert Thomas, ministre de l'armement de 1916 à 1917, souhaite une modernisation de l’outillage mais celui-ci reste peu adapté aux femmes. Travailler dans une usine d'armement représente également un danger, car les usines sont régulièrement des cibles pour les Allemands et les accidents du travail sont nombreux. C'est le cas pour une poudrerie de Moulins dont 2 millions d'obus vont exploser le 2 février 1918.
Les munitionnettes sont le symbole de la guerre des femmes, de leur émancipation et de leur participation à l'effort de guerre. Pourtant, leurs témoignages sont assez rares. Une lettre d'une munitionnette auvergnate a été retrouvée dans notre fonds d'archives. Cette femme travaille dans une usine clermontoise pour la fabrication d'obus. Elle est missionnée pour le contrôle des obus. Selon elle, cette tâche est moins fatigante que les autres. Elle travaille plus de dix heures par jour et bénéficie une fois par mois de deux jours de repos. Ces conditions de travail et ces cadences sont éprouvantes et, le conflit avançant, le gouvernement met en place des plages de repos, des journées de travail à huit heures cinquante avec huit interruptions de 5 minutes. Mais la réalité est parfois bien différente. L'ouvrière auvergnate décrit la fracture entre les ouvriers et les patrons : ces derniers réalisent des bénéfices sur la vente des obus alors que la vie quotidienne des ouvriers est critique. Elle rappelle aussi la dangerosité de travailler dans ces usines de guerre ainsi que l'importance de ce travail pour les soldats car leur vie en dépend.
Pendant quatre années, les femmes ont remplacé les hommes mobilisés mais leurs conditions de travail sont très difficiles. Avec l'avancée du conflit, la vie quotidienne devient critique car les prix ne cessent d'augmenter alors que les salaires restent stables. Les ouvrières ont des difficultés à subvenir aux besoins de leur famille. Avec l'armistice et le retour des soldats, les femmes reprennent leur place d'avant-guerre et ont peu de reconnaissance pour leur participation à l’effort de guerre.
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