L'Arrière

"Française par le coeur, par l'esprit et par l'âme, vous êtes infirmière et épouse à la fois, ainsi que vos enfants, vos blessés ont leurs droits : de votre doux appui chacun d'eux réclame."  Charles Grandmougin

Marie Brun : une religieuse dans l'effort de guerre

La France du début du XXe siècle reste majoritairement rurale. Lorsque la mobilisation générale éclate, le pays commence les moissons. Le discours de 10 Juillet 1916 René Viviani appelle alors les femmes paysannes à continuer les travaux des champs : les françaises ont déjà commencé à participer à l’effort de guerre. Elles accomplissent leur devoir de conservation du patrimoine familial et du respect des traditions rurales. Avec la réquisition des animaux le travail des champs est plus dur, les habitants mettent alors leurs animaux et leurs outillages en commun mais le travail des femmes, de surcroit, reste mal accepté par les anciens.

L’occupation de huit départements français provoque une lourde perte économique et la France n'arrive pas à cultiver toutes les parcelles agricoles. Pourtant, l'Armée dépend de l'agriculture car elle doit nourrir près de huit millions de soldats. Avec la mobilisation générale, les domestiques et les journaliers se raréfient dans les fermes alors les enfants et les personnes âgées sont mis à contribution. Avec le manque de mains-d’œuvre masculine, les femmes rencontrent des difficultés pour certains travaux des champs. Pour pallier ce manque de mains d’œuvre, les autorités locales demandent au gouvernement la venue des réfugiés ou de prisonniers de guerre dans les campagnes. Par exemple, dès le début du conflit, le conseil municipal d'Ennezat demande la venue de 60 prisonniers de guerre dont 30 pour les travaux d‘assainissement et 30 autres pour la commune et les travaux des champs. Ces prisonniers sont venus en 1915 et sont surveillés par les autorités militaires. La commune leur met à disposition des logements, des outils, de la nourriture et une indemnité journalière. Mais l’arrivée des réfugiés ou des prisonniers de guerre n'est pas toujours bien perçue et est souvent confrontée au rejet de certains habitants.

         24 Aout 1916

La correspondance de Marie Brun avec son frère nous donne de précieux renseignements sur les travaux de la ferme à cette période. Jean Brun est mobilien Août 1914 et incorporé au 105e RI ; il laisse alors la ferme familiale de Rochefort—Montagne. Sa sœur, religieuse, n'hésite pas à délaisser sa vie monastique pour reprendre la ferme. Même si elle a grandi dans cet univers, elle ne maitrise pas les travaux des champs. La correspondance avec son frère lui  permet de faire un bilan de la ferme. Jean, de son coté, a conscience de l'inexpérience de Marie et de la masse de travail que cela représente pour une femme. Dans ses lettres, il la conseille pour atteler la calode ou pour les moissons, et il est content qu'elle réussisse dans le travail des champs.

27 Aout 1916

En Août 1916, il lui donne des conseils pour les labours et au début du mois de septembre sur la vente des animaux et sur la culture de l'avoine. Marie Brun est aidée par des membres de sa famille et par une domestique de façon quotidienne. 

Les écrits de Marie nous montrent une sœur soucieuse du bien-être de son frère en lui envoyant des vêtements chauds pour l’hiver. Les réfugiés se retrouvant dans une grande précarité, Marie explique qu'elle leur vient en aide en leur offrant du lait. D'autres lettres décrivent l’état de santé et la vente de certains animaux ainsi que l'avancée des travaux des champs. Elle envoie également une carte postale représentant Jeanne d’Arc aidant les poilus à repousser l'ennemi, carte censée jouer un rôle protecteur vis à vis de Jean. Marie effectue aussi des pèlerinages où elle prie pour son frère dans le but de le protéger de la mort, tandis que Jean, dans ses lettres remercie Dieu et la Vierge d'être sain et sauf. Pendant le conflit, les catholiques multiplient les dévotions auprès de saints protecteurs pour protéger les proches mobilisés. La foi en la victoire de sa patrie se mêle alors à la foi religieuse.

Janvier 1915
21 Mars 1915
24 Juillet 1917

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