Cette fratrie ambertoise se compose de Joseph, Jean et Pierre, tous trois mobilisés ou volontaires dans la Grande Guerre.
Joseph est né le 26 août 1893 et se retrouve mobilisé le 2 août 1914. Il est fait prisonnier de guerre au camp de Schneidemühl, situé en Posnanie, au nord de Posen. Les prisonniers sont mis à contribution dans la guerre industrielle et la longue durée d'internement constitue un phénomène nouveau. Dans les pays en guerre, ces prisonniers considérés comme des individus ennemis perdent leurs statuts de militaires pour devenir une main d’œuvre. Ces hommes sont certes moins exposés à la mort que les soldats du front mais ils restent néanmoins coupés de leur environnement familier et de leurs proches. La correspondance est strictement contrôlée dans les camps et reste une maigre compensation. Cet enfermement a des effets néfastes sur le plan psychologique, et cette dépression nommée aussi cafard, provoque un retrait de la vie sociale du camp et un dégoût de la vie qui est largement exprimé dans le journal du camp de Schneidemühl, Tas de Blagues. Ce journal décrit la culture des camps et permet au prisonnier de sortir de la monotonie. Le sport et l'organisation de tournois dans le but de s'affronter font aussi partie de cette culture, notamment dans les camps allemands où diverses nationalités sont internées. La qualité de vie dans les camps varie d'un pays à l'autre. En Allemagne, dés 1915, les prisonniers souffrent de pénuries comme le reste du pays. Après le conflit, les prisonniers de guerre sont longtemps restés les « Oubliés de la Grande Guerre ». Pourtant la France en compte près de 300000. Une grande majorité d'entre eux sont libérés plusieurs mois après l'armistice, seuls les malades et les invalides internés dans les pays neutres peuvent rentrer chez eux rapidement.
Jean est né le 11 juin 1895 et s’engage volontairement à la mairie de Riom avec son frère Pierre le 25 août 1914. En 1916, il devient élève-aspirant au centre d’insertion de Joinville. Il est blessé trois fois durant le conflit et reçoit la médaille militaire.
L'unité de cette famille est brisée le 25 avril 1918 lorsque Pierre est touché par un obus et décède quelques heures plus tard. Jean est sur les lieux et peut alors rapidement se rendre à son chevet. Il aura la tâche difficile d'annoncer la mort de son jeune frère à ses proches. La correspondance qu'il entretient avec Henri Pourrat fait état de sa réaction et de l'enquête menée pour connaître avec exactitude les circonstances de la mort de Pierre. Il pourra se recueillir sur sa tombe en juin 1918. La situation est différente pour Joseph qui se trouve à plusieurs milliers de kilomètres, dans un camp de prisonniers. Sa famille tente de le protéger en lui cachant la mort de son frère, mais il l'apprend par un détenu. La vie du camp l'empêche de se recueillir et il doit continuer ses tâches journalières. Ce deuil accentue son sentiment de solitude et d'éloignement vis à vis de sa famille.